« MES FRÈRES » DE PASCAL RAMBERT AU THÉÂTRE NATIONAL DE LA COLLINE 

Sous l’œil d’un hibou Grand Duc haut perché (le spectacle est officiellement déconseillé aux ornithophobes), quatre hommes s’extirpent à longs intervalles réguliers d’un enchevêtrement de troncs, s’assoient le long d’une table et se lancent dans un monologue d’où il ressort, entre autres informations, que tous exercent un métier en rapport avec le bois dans une forêt au milieu de nulle part. Le registre est d’emblée celui des contes pour enfants revus et corrigés à destination d’une audience plus âgée, ainsi qu’en attestent les tronçonneuses maniées par les personnages, indice précoce d’un possible basculement vers le récit d’horreur malgré les quelques touches d’humour distillées lors de cette scène introductive.

Mes frères © Philippe Chancel

Chez Pascal Rambert, chaque mot semble parvenir d’un au-delà du temps, comme s’il avait été baigné dans l’eau du mythe pour mieux retrouver ses couleurs des origines. Les répliques semblent ici toutes résonner sous la voûte des siècles accumulés, le souffle des comédiens circule à la manière dont le vent s’enroule autour des colonnes d’un tableau de Chirico. Survient alors une sculpturale servante (Marie-Sophie Ferdane) qui nourrit la fratrie à la manière dont on distribue la pâtée aux cochons, séquence placée sous le signe du comique de répétition du geste. Mais la nuit venue, cette sorte de sœur nourricière se change en objet de désir pour les quatre hommes en rut qui viennent gratter à sa porte pour exprimer sans détour un désir obsédant, primaire, brutal, d’une animale simplicité. L’auteur ne doit pas regretter d’avoir pour la première fois confié l’une de ses pièces à un autre metteur en scène, certes tout à fait digne de confiance puisqu’il s’agit d’Arthur Nauzyciel, l’un de ses acteurs fétiches notamment vu dans Architecture. D’autant que son excellent travail n’a d’égal que la scénographie de Ricardo Hernandez dont le choix paradoxal d’un décor métallique fait mouche et impressionne. Sans oublier une distribution où l’on retrouve toujours avec plaisir Pascal Greggory et Frédéric Pierrot, l’excellent Guillaume Costanza et Adama Diop. Toutes raisons, auxquelles il faut ajouter une nouvelle fois la beauté de la langue, pour regretter davantage encore des facilités placées, à l’exemple de maintes productions de l’imaginaire contemporain, sous le signe d’un féminisme revanchard et vindicatif. Passe encore que la nudité masculine se veuille le pendant, si l’on ose dire, de celle qui fut imposée sans évidente nécessité à tant de comédiennes, mais le final de Mes Frères s’égare et se complaît avec insistance dans une violence hyperbolique où, pour la première fois de la soirée, l’idéologie submerge la poésie.

Mes frères à partir du 30 septembre à La Colline et du 10 au 21 novembre au Théâtre national de Bretagne, Rennes

Une maison dans les bois abrite quatre frères : Pascal, Adama, Frédéric, Arthur, ils sont bûcherons ou menuisiers. Mais il y a aussi Marie, la servante. Leurs désirs, leurs pensées, leurs mots convergent vers Marie, celle qui radicalement affirme sa liberté. Ils feulent, brament, braient, ils déploient leurs fantasmes et leurs nuits. Rêvent-ils ?texte Pascal Rambert

mise en scène Arthur Nauzyciel

avec Adama Diop, Marie-Sophie Ferdane, Pascal Greggory, Arthur Nauzyciel et Guillaume Costanza (en alternance), Frédéric Pierrot

photo : Pascal Rambert• Crédits : Stéphane de Sakutin – AFP

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