Belinda Cannone refait l’amour

Le nouveau nom de l’amour
Belinda Cannone
Stock
240 p. 19,50 €

L’amour ne cessera jamais d’inspirer les prosateurs, tel est l’un des enseignements à tirer du nouvel essai de Belinda Cannone. Et le risque d’épuisement est d’autant mieux écarté que l’auteur du Sentiment d’imposture et de L’Ecriture du désir, entre autres essais remarqués, forge aujourd’hui un nouveau concept d’où découle une vision profondément renouvelée des liens affectifs : la polygamie lente. Tout part d’un renversement de perspective : « D’une manière qui nous paraîtra contre-intuitive mais qui est capitale, il faut inverser la causalité : ce n’est pas la manière d’envisager l’amour qui a produit différentes formes de couples, c’est la forme du couple qui, à chaque époque, a induit les diverses conceptions de l’amour. » Le nouveau nom de l’amour consiste donc pour partie en un aperçu historique des métamorphoses de l’union conjugale à travers les siècles, depuis le règne absolu du mariage arrangé jusqu’à l’extrême souplesse des pratiques modernes. Rétrospective fondée sur la relecture très précise d’œuvres capitales (Tristan et Iseut, Les Métamorphoses d’Ovide, Roméo et Juliette de Shakespeare, La Garçonne de Victor Marguerite…) comme sur des dialogues pétillants avec une grande amoureuse prénommée Gabrielle (dont personne n’est tenu de croire à l’existence). La lente déprise des carcans et des corsets aboutit à un tout nouveau rapport de forces en faveur des emballements, au détriment des convenances : « Car l’éventualité de la séparation est désormais inscrite au cœur de chaque union, comme conséquence logique de ce qui la fonde : le sentiment et le désir, désormais volatiles. » Le vent du désir se lève, il faut tenter de vivre à la manière d’un danseur de tango à quoi l’auteur, dans l’un des plus beaux développements de l’essai, compare l’individu contemporain qui passe de partenaire en partenaire pour une intensité toujours renouvelée des enlacements. Et si cette exaltation du nouvel ordre amoureux se prête à bien des critiques, comme celle d’un manque à aimer que ne saurait jamais combler « l’individu souverain », Belinda Cannone réplique avec force : « A Platon et ses émules je demande : est-ce mal de manquer ? Quel est le fantasme sous-jacent à cette dévalorisation du manque ? Celui de vivre l’existence du fœtus, douillettement à l’abri dans le liquide placentaire ? Vraiment, est-ce là notre idéal ? » Avant d’asséner un argument définitif : « On a vu que les métamorphoses du couple étaient toujours liées à l’évolution de la condition des femmes et celui-ci, parallèlement, aux transformations du statut du désir ». E comme Eros, E comme Egalité, que demander de plus ? Peut-être que se développe à l’avenir comme ici un féminisme avec les hommes plutôt que contre les hommes ainsi qu’on le voit ordinairement. Le nouveau nom de l’amour ou l’excellente nouvelle de la dernière rentrée littéraire.

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