
La pièce naît de l’union de plusieurs mythes. Kean, acteur Londonien né en 1787, mort sur scène dans le rôle d’Othello en 1833, dont la réputation excessive sur le plateau comme dans la vie, a inspiré Alexandre Dumas père. Ce dernier écrit cette pièce pour Frédérick Lemaître, autre grand comédien, qui le créera au théâtre des Variétés en 1936. Charles Dullin parle de cette pièce à Pierre Brasseur qui, lui, en parle à Jean-Paul Sartre. Ce dernier va réécrire l’œuvre et dira : « J’ai réécrit Kean comme Cocteau a “resserré ” Antigone. » L’idée qu’un acteur se joue la comédie à lui-même lui plait. Le théâtre dans le théâtre prend tout son sens ici.
Reprise par Jean-Claude Drouot en 1982 au théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet, puis par Jean-Paul Belmondo en pleine gloire cinématographique en 1987 au théâtre Marigny dans une mise en scène de Robert Hossein, cette œuvre faisait peur aux metteurs en scène d’aujourd’hui. Se confronter à plusieurs mythes reste audacieux.
En 2019, Alain Sachs relève le défi avec une jeune troupe, tout d’abord au théâtre 14, au théâtre de l’Œuvre, puis au théâtre de l’Atelier. Sa tournée en province est interrompue par l’arrivée de notre cher virus… Malgré tout, le lauréat du prix du Brigadier 2020 pour sa belle mise en scène ne perd pas espoir et ressent un vrai devoir de recréer Kean. Remonter une pièce qui donne la part belle à la machinerie théâtrale, avec ses multiples changements de costumes et de décors, une pièce à la gloire du théâtre et de ses excès en ces temps de disette, est un pari.
À la différence des théâtres subventionnés, les théâtres privés parisiens connaissent aujourd’hui une situation financière très difficile et beaucoup ne pourront rouvrir qu’en septembre. Alain Sachs veut forcer le destin d’une pièce qui, depuis sa création en 1936, aura connu les ors et les tentures de nombreux et importants théâtres de la capitale.
Le 10 juin prochain, le théâtre de l’Atelier recevra de nouveau cette pièce grâce à douze coproducteurs amis et connaissances et à un financement participatif et ludique, valable jusqu’au 9 juin (lien ci-dessous). À découvrir donc afin que nos mythes persistent dans nos imaginaires, et accompagner la volonté d’Alain Sachs de créer une vingtaine d’emplois entre artistes, techniciens et personnels de théâtre.
Jean Couturier.
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