
Le 30 novembre prochain, sur décision d’Emmanuel Macron, Joséphine Baker sera la première femme noire entrante au Panthéon.
Cette artiste hors cadre a vécu plusieurs vies. Une vie qui débute par une enfance douloureuse des quartiers pauvres de Saint Louis dans le Missouri, ville marquée par les ségrégations raciales.
Rolf de Maré qui avait acheté le théâtre des Champs-Elysees et l’avait transformé en music-hall, fait venir d’Amérique en 1925, vingt-cinq danseurs et musiciens noirs et monte ainsi « La revue nègre ». Stéréotype malgré elle, la danseuse américaine fait ainsi ses débuts en France. Le revuiste Jean Charles remarque Joséphine Baker, second rôle de dix-neuf ans, à qui il demande d’ouvrir et clôturer la revue.
A cette époque, la curiosité coloniale pour les corps féminins noirs se fixe essentiellement sur leur nudité. Avec Joe Alex, partenaire de scène, elle improvise une danse suggestive et « sauvage » selon les termes de l’époque, à partir de pas de Jazz, seins nus et bikini étroit. Ce tableau devient mythique.
En 1930, elle devient meneuse de revue au Casino de Paris et pour accentuer l’image d’exotisme du cabaret, on lui associe un guépard nommé Chiquita. La revue « Paris qui remue » coïncide avec l’Exposition Coloniale qui célèbre l’empire colonial français. Joséphine Baker chante pour la première fois sur scène et y crée « J’ai deux amours » et « La petite tonkinoise » sur une musique de Vincent Scotto. Le 30 novembre 1937, elle devient française en se mariant avec Jean Lion.
Par reconnaissance envers la France, elle entre en résistance durant la Seconde Guerre mondiale. Le texte du décret du 9 décembre 1957 [JO du 14/12/1957] souligne son histoire de résistante : « Dès 1939, se met en rapport avec les services du contre-espionnage, fournissant de précieux renseignements, notamment sur l’éventualité de l’entrée en guerre de l’Italie, sur la politique du Japon et sur certains agents allemands à Paris. En octobre 1940, se met en rapport avec un officier du 2e Bureau. D’un courage et d’un sang-froid remarquables, transporte des messages secrets et continue à fournir des renseignements très utiles aux services alliés de l’intelligence service. Mobilisée pour la Croix Rouge, se dépense sans compter. Elle monte une troupe artistique composée uniquement de gens désireux de rallier les F.F.L. ; passe en Espagne, soi-disant à destination du Brésil. A Lisbonne, reçoit un télégramme de Londres lui demandant d’organiser en France un nouveau service de renseignements. Rejoignant Marseille, mise en rapport avec un agent de renseignements est obligée de reprendre son activité artistique. Voulant quitter le sol de France part au Maroc en 1941, collabore avec les mouvements de résistance française. »
Pour ses nombreux services rendus à la résistance, Joséphine Baker est faite Chevalier de la Légion d’honneur et reçoit la Croix de guerre avec palme.
Après la guerre, elle épouse Jo Bouillon, achète le château des Milandes en Dordogne et adopte douze enfants de toutes origines ethniques.
Dix années durant, elle milite activement pour des droits de l’Homme, prononce un discours contre le racisme en 1953 et participe, en 1963, à la marche pour les droits civiques auprès de Martin Luther King.
1968-1969 : sombres années.
Dans sa propriété aux 300 hectares de terre, Joséphine Baker avait installé un parc d’attraction et un mini musée retraçant sa vie. Mais, criblée de dettes, Josephine Baker est obligée de vendre les Milandes à la bougie.
Elle écrit à l’époque : « Aujourd’hui, le vendredi 3 mai 1968, il est 13 h 15et je suis seule dans une chambre d’hôtel de Göteborg et je travaille tous les soirs dans cet hôtel où j’ai contrat. J’attends avec le cœur serré d’angoisse un coup de téléphone du résultat du verdict du tribunal de Bergerac en Dordogne, verdict du juge qui doit décider si les Milandes seront vendus ou pas. » Les Milandes seront finalement vendus… Elle écrit également : « Le manque d’argent m’a coûté Les Milandes, mais le symbole de la dignité humaine que présentent mes enfants et ma lutte pour la dignité humaine et mon idéal de la fraternité universelle ont pris leur place. »
En 1975, Joséphine Baker vit ses derniers feux de la rampe. À 62 ans, elle s’installe sur la Côte d’Azur, aidée par la Princesse Grâce de Monaco. D’autres artistes l’aideront durant sa carrière, en particulier Brigitte Bardot et Jean-Claude Brialy.
Pour rembourser ses dettes, Joséphine Baker retrouve la scène. Le spectacle du bal de la Croix Rouge, organisé pour la principauté de Monaco, lui redonne le goût du plateau. Cette revue sera montée à Paris, au théâtre de Bobino, avec réussite. Elle retraçait toute la carrière de l’artiste, les épisodes heureux et malheureux, mais Joséphine Baker est épuisée. Après quelques représentations, elle est retrouvée inanimée dans l’appartement qu’elle occupait. Transportée d’urgence à la Pitié-Salpetrière, elle meurt le 12 avril 1975 des suites d’une hémorragie cérébrale. Le 2 octobre 1975, elle sera inhumée à Monaco où la Princesse Grâce l’avait recueillie avec ses 12 enfants alors qu’elle était ruinée.
Dans une tribune du Monde en 2013, Régis Debray avait émis l’idée d’une entrée au Panthéon pour Joséphine Baker. En 2021, la pétition « Osez Joséphine » est lancée. Brian Bouillon Baker, un des fils adoptifs de Joséphine avec, entre autres, Pascal Bruckner et Laurent Voulzy, rencontrent Emmanuel Macron qui donne son accord en juillet. La consécration posthume est en marche. Le 30 novembre 2021, date anniversaire de son premier mariage et de sa nationalité française, Josephine Baker entre au Panthéon pour y être honorée parmi les « grands » de la Nation.
Jean Couturier
Cher Jean Couturier n omettez pas de préciser que bien avant la pétition Osez Josephine c’est Regis Debray qui reclama sa pantheonisation …en 2013!!!