
Avec « La puce à l’oreille » de Feydeau, Lilo Baur avait fait basculer les comédiens de la troupe dans une mécanique comique folle, propre à cet auteur. Elle applique ce processus à la comédie de Molière en la transformant en une farce que n’aurait peut-être pas renié l’auteur de la Jalousie du Barbouillé.
Mais pourquoi réduire l’Avare à une farce ? Voilà un thème qui pourrait entretenir un colloque universitaire. Lilo Baur retrouve certains comédiens ayant participé au succès de la pièce de Feydeau : Serge Bagdassarian ; Anna Cervinka, amante de Cléante et aimée d’Harpagon, surprend dans son rôle très « alcoolisé » de la scène finale ; et Jean Chevalier qui donne une épaisseur peu commune au rôle de Cléante, fils d’Harpagon, seul personnage en qui l’on peut éprouver une certaine empathie.
L’ensemble des comédiens sont comme des marionnettes exceptionnelles de drôleries et de performances physiques ébouriffantes. La présence physique de chacun, est la clef de cette mise en scène.
Nous retrouvons l’esprit de l’Ecole Jacques Lecoq où la metteure en scène a été élève. Lilo Baur dit : « Molière était aussi un grand comédien , et c’est pourquoi au texte s’ajoute le jeu physique des acteurs ». Nicolas Lormeau est irrésistible dans son rôle de Dame Claude, servante transformée en « Mme Doubtfire » et dans un rôle de commissaire « inspecteur Gadget » qui vient dénouer les fils de l’intrigue finale. Dans le rôle de Frosine, Francoise Gillard incarne avec passion celle qui pourrait être une conseillère en communication d’aujourd’hui.
Enfin, Laurent Stocker est magnifique dans son rôle d’Harpagon, un banquier suisse des années 60. Il saute, virevolte, se transforme, joue au golf et pêche à la ligne. Il le qualifie de « voyou en col blanc qui ne peut pas s’empêcher de s’approprier des choses qui ne lui appartiennent pas ». Chaque conversation autour de l’argent déclenche chez lui des tics nerveux débridés drolatiques. De son personnage, le comédien dit : « j’aimerai préparer mon rôle en observant avec précision ce que mes prédécesseurs ont fait pour essayer de faire quelque chose de différent ».
Cette phrase peut aussi s’appliquer à la mise en scène de lilo Baur qui nous transporte au bord d’un lac Suisse, sur un gazon fraîchement coupé, dans un monde dénué de tout sens moral, loin de toutes préoccupations sociales. D’Harpagon, elle précise : « Face à l’argent, notre avare ne connaît aucune mesure aucune dignité, aucune pitié et il en devient parfaitement malsain. La figure d’un millionnaire comme Donald Trump, paranoïaque et manipulateur, avide de tout contrôler, n’agissant que dans son propre intérêt, n’est pas loin ».
De ce point de vue, cette mise en scène est totalement réussie.

Découvrez L’Avare, le spectacle événement de la Comédie-Française : au cinéma le 12 avril en direct puis en différé du 2 mai au 24 mai.
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