
En 1907, quand La Puce à l’oreille est créée au Théâtre des Variétés, la société est dominée par l’homo erectus. Avec cette pièce, Georges Feydeau nous embarque auprès d’un bourgeois assureur, Victor-Emmanuel Chandebise interprété par l’exceptionnel Serge Bagdassarian qui, justement, a des soucis d’érection ! (le Viagra n’a pas encore été inventé).
À tort, Mme Chandebise soupçonne son mari d’avoir une liaison extra conjugale. Aidée par son amie Lucienne Homénidès de Histangua, elles tendent un piège à ce dernier. Un rendez-vous lui sera donné au Minet-Galant par une mystérieuse inconnue, hôtel de passe bien nommé où travaille « Poche », parfait sosie de M. Chandebise interprété par le même Serge Bagdassarian.
À ces personnages, s’ajoutent le très jaloux mari de Lucienne Carlos Homenidès de Histangua ; le majordome et la bonne Antoinette, sa compagne ; Camille, le neveu de Victor-Emmanuel et amant d’Antoinette, incapable de prononcer les consonnes ; et enfin, le Dr Finache, médecin de famille et habitué du Minet Galant.
Tout est donc exposé dans ce premier acte. La mécanique du rire de Feydeau est en place pour un feu d’artifice de quiproquos et rebondissements en tout genre. Lilo Baur a transposé cette pièce dans les années soixante, ce qui permet un processus d’identification aisé pour une partie du public bourgeois de cette institution, les septuagénaires risquent de s’y reconnaître.
Feydeau aime tourner en dérision et faire exploser les intrigues amoureuses de la bourgeoisie. Les liens sont intemporelles, un personnage dit : « Je t’y ai vue, mais qu’est-ce que cela prouve ? Tu mens comme une femme du monde ».
Les comédiens sont tous formidables et dotés d’une gestuelle signifiante. Issue de l’école Lecoq de Paris, Lilo Baur a travaillé avec Simon McBurney lui aussi de la même école. Dans sa mise en scène, elle développe un langage du corps exceptionnel qui peut presque se passer du texte. Par exemple, les contorsions suggestives de Pauline Clément (Lucienne) lorsqu’elle rédige la lettre pour Monsieur Chandebise. L’entrée de cette pièce à la Comédie Française date de 1978, dans une mise en scène de Jean-Laurent Cochet avec la présence marquante de Jean Le Poulain où celle de Georges Descrières, entre autres. À l’époque, dans le journal « Le Monde » Colette Godard écrivait à juste titre : « Les pièces de Feydeau ne se résument pas. Si un détail manque, la logique aberrante qui fait agir les personnages se désagrège, et ils s’évaporent ». À sa création, « La puce a l’oreille » eu donc un énorme succès.
Aujourd’hui, dans une toute autre scénographie plus cinématographique, un chalet cossu au milieu de la montagne, on y découvre parfois des skieurs derrière la baie vitrée. La folle équipée des comédiens de l’époque n’a rien à envier aux péripéties des personnages dans cette mise en scène de Lilo Baur. Il est rare qu’un même théâtre vive un tel succès à quelques années d’intervalle, c’est pourtant le cas ici.
A la Comédie Française Salle Richelieu jusqu’au 15 mars.
Scénographie Andrew D Edwards, Costumes Agnès Falque, Lumières Fabrice Kebour, Musique originale et concept sonore Mich Ochowiak, Réglage des mouvements Joan Bellviure, Maquillages Carole Anquetil, Collaboration artistique Katia Flouest-Sell.
Avec Thierry Hancisse Augustin Ferraillon, Alexandre Pavloff Docteur Finache, Clotilde de Bayser Olympe Ferraillon, Serge Bagdassarian VictorEmmanuel Chandebise et Poche, Bakary Sangaré Baptistin, Nicolas Lormeau Étienne, Jérémy Lopez ou Benjamin Lavernhe* Carlos Homénidès de Histangua, Sébastien Pouderoux Romain Tournel, Anna Cervinka Raymonde Chandebise, Pauline Clément Lucienne Homénidès de Histangua, Birane Ba où Nicolas Chupin Rugby, Jean Chevalier Camille Chandebise, Élise Lhomeau Antoinette, et la comédienne et les comédiens de l’académie de la Comédie-rançaise, Sanda Bourenane Eugénie, Vincent Breton, Olivier Debbasch, Alexandre Manbon des skieurs et une fanfare.
https://www.comedie-francaise.fr/fr/evenements/la-puce-a-loreille-22-23
© Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française
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